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3 Gars et un Comic-Book
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25 octobre 2008

Les Eternels

eternals10Série créée en 1976 par Jack Kirby pour son grand retour chez Marvel après un passage chez le Distingué Concurrent artistiquement brillant, mais qui n'a pas connu le succès escompté en termes de ventes (même s'il semblerait que la déconvenue soit due en partie au contexte de publication mais je m'égare), Les Eternels peuvent être considérés de prime abord comme une réponse aux New Gods et à l'univers du Fourth World développés chez DC, le titre original (Return of the Gods refusé pour un problème de droits) et l'intrigue (deux factions de Dieux héroïques et démoniaques se livrent une guerre aussi fratricide qu'incognito depuis des lustres : certains vont se dévoiler au grand jour et les humains vont devoir choisir leur camp) pouvant prêter à confusion.

Hors, c'est dans ces différences avec l'univers du Fourth World, plus que dans sa publication assez fugace (19 numéros et un annual, mais on verra que seuls les 13 premiers développent vraiment le concept) que Les Eternels surprennent et intriguent.
A l'instar de ces dernières productions, l'univers créé par le King est foisonnant et les personnages sont légion, or, étant donné l'accueil réservé aux New Gods, il va tenter d'expliquer dès les premiers numéros les tenants et aboutissants de la série, sans pour autant pouvoir retenir son imagination débordante.

Ainsi, on apprend très vite que les Humains sont l'une des trois espèces créés par des Dieux de l'Espace (les Célestes) : des créatures gigantesques en armure les faisant ressembler à des mechas, qui parcourent la galaxie pour juger et détruire, dans certains cas, les planètes.
Venus par trois fois sur la Terre : ils ont dans un premier temps créé l'Homme, les Déviants (une race monstrueuse aux gènes en constante instabilité et qui n'engendre aucun être semblable) et les Eternels (des surhommes immortels qui décidèrent de vivre reclus et dont les timides apparitions devinrent la base des mythologies humaines).
Dans un second temps, les Célèstes revinrent sur Terre pour la découvrir gouverner par les Déviants depuis leur capitale : Lemuria. Attaqués par ces derniers, les Célestes ripostèrent à coups de bombes thermonucléaires et créèrent le Déluge Biblique. Un Eternel, Ikaris aida alors les Humains, délivrés du joug des Déviants, à survivre.

Ce même Ikaris accompagne dans les premiers numéros le Dr Damian, un archéologue, et sa fille, Margo dans l'exploration des ruines d'un temple Inca qui servit à communiquer avec les Célèstes lors de leur 3e visite... C'est lors de ses fouilles, qu'il doit faire face au seigneur des Déviants, Kro, venu avec ses troupes dans ce temple pour attendre le 4e équipage des Célestes et se venger de la destruction causée à son peuple, par ces Dieux de l'Espace.

Contraint de révéler son identité Ikaris sauve le Dr Damian et sa fille et retrouve son compère, Ajak, enfermé depuis des lustres dans le temple après avoir aidé les Incas à communiquer avec les Célèstes...
Alors que le 4e équipage arrive et que leur chef (Arishem) se poste au-dessus du temple pour se préparer à 50 ans de jugement de notre planète, Ajak et le Dr Damian décide de rester à les observer tandis qu'Ikaris emporte avec lui Margo à New York où les attend Sersi, mais également Kro qui s'est échappé et se fait passer pour le Diable de retour sur Terre afin de profiter de la crédulité des hommes et de leurs craintes ancestrales (et très en vogue dans les 70s, années de l'Exorciste et la Malédiction).
Pour les humains comme le lecteur c'est énorme et nous n'en sommes qu'au troisième numéro...

Bien que Kirby ait voulu établir une exposition claire des enjeux, très vite , on le sent de nouveau motivé par le besoin de multiplier les péripéties, l'action (les batailles rangées en plein New York), les idées folles (les Eternels répondant aux questions d'étudiants en plein campus, des Eternels "nordiques" font partie des hautes instances soviétiques depuis des années afin d'empêcher l'URSS de se lancer dans une guerre nucléaire), les personnages (on découvre la cité sous-marine des Déviants où combattent les gladiateurs Karkas et "Le Rejet", Olympus, la cité des Eternels avec Zuras, Sprite, Théa et Makkari) et leurs liens (Thea, la fille de Zuras, et Kro ont été amants, elle prend sous son aile les deux gladiateurs, Sersi s'ammourache d'un professeur d'université qui participe avec Margo au grand rituel des Eternels : la fusion en un seul être : l'Uni-Mind).

Cette énergie inventive et ce déferlement psychotronique se retrouvent dans le trait puissant du King qui devient de plus en plus imagé... Si le Fourth World, même encré par Vince Coletta, démontrait une certaine rigueur dans la construction, un soin apporté à tous les niveaux, notamment au découpage qui faisait avancer l'intrigue sans perdre le lecteur, Les Eternels multiplie les effets gigantesques : les machineries délirantes, les rayons d'énérgie crépitant, le Pouvoir matérialisé sous de nombreuses formes : Robots Cosmiques, monstres protéiformes mélangeant ménagerie et pur délire visuel, Super-héros "babs" aux costumes volontairement complexes et pouvant exploser, se téléporter, irradier, muter... sans d'autres outils que leur volonté.

A l'inverse des héros du Fourth World, qui utilisaient une technologie alien omniprésente (la Mother Box, les Boom-tubes, l'astro-cycle etc...) et livraient un combat aux enjeux dantesques (l'équation de l'"Anti-Vie"), les Eternels et les Déviants semblent aussi perdus que les Humains face à l'arrivée du 4e équipage et ce jugement divin inscrit littéralement sur le pouce d'un d'entre eux. Qu'il le lève ou le baisse et c'en est fait de la Terre...
A contrario du déploiement de puissance physique et énergique présente dans toutes les pages, le scénario et la finalité des Eternels reste centré sur l'introspection des Humains et des Demi-dieux sur leur propre devenir, d'où ces pages descriptives des arrivées des Célestes à différents endroits de la Terre, et cette propension des héros à rejoindre leur foyer, leur famille où des endroits d'observation confinés (le temple inca, l'arène des gladiateurs, l'appartement où réside Zakka un Déviant qui fait téléporter un monstre... dans son propre appartement !)...

Cette course vers l'inconnu culminant avec l'épisode 13 où aucun héros des précédents numéros n'apparait : les Eternels méditant dans l'Uni-mind, c'est un "Héros oublié" qui va devoir sauver des astronautes confrontés à une navette de Déviants chargée d'une bombe visant le vaisseau des Célèstes.

C'est sans aucun doute ces revirements constants dans les péripéties qui emmèneront les editors du titre à demander à Kirby qu'il place Ikaris comme héros récurrent des épisodes 14 à 19. Visiblement produits à la va-vite, les numéros suivants opposent Ikaris à une marionette de Hulk animée par la faute de l'Uni-mind (et d'un résidu d'explication foireuse capillotractée) et permettent de mettre d'accord Marvel et le King. Ce dernier ne voulant pas insérer les Eternels dans la continuité Marvel de l'époque (malgré des références au SHIELD de Nick Fury dans le n°10*), il est obligé d'inclure le Géant Vert, sa création connaissant alors une certaine gloire grâce à sa série TV, on considère que les télespectateurs vont se ruer sur ce comic-book souffreteux qui se verra annulé quelques mois plus tard.

*coïncidence amusante, Grant Morrison s'est servi également du SHIELD pour la série Marvel Boy qu'il désirait également hors-continuité.

Coincé entre la volonté de trop embrasser (et donc de mal étreindre) un sujet qu'il avait déjà envoyé au casse-pipe chez DC et l'envie de poursuivre ses interrogations sur les mythes et le besoin d'imaginaire de l'être humain, le King a réussi néanmoins au travers d'une bonne douzaine de numéros de faire progresser son art et de reculer une fois encore ses propres limites : l'antagonisme Eternels/Déviants apparaissant moins manichéen que l'opposition New Genesis/Apokolips (le leader des Eternels, Zuras évoque un Orion ayant accédé au statut d'Highfather), les personnages de Thea, le Rejet, Karkas et Kro sont autant de versions de surhommes qui s'élèvent au-delà du bien et du mal et testent constamment leur propre Nature qu'elle soit belliqueuse ou protectrice (un questionnement qui réapparaîtra dans le traitement des Dieux d'Asgard,dans Earth X de Jim Kruegger et Alex Ross).

Et l'amitié (le désir ?) de Sersi pour le Dr Sam Holden montre que la vénération peut être interchangeable : en cette fin des années 70, l'heure n'est plus au "combat final" pour l'Humanité mais à l'exploration de ses propres limites comme le montre l'excellent épisode 13, dans lequel astronautes américains, kamikazes déviants et l' "Eternel Oublié" répondent chacun à leur manière à LA grande question du King : qu'est-ce qu'un héros ?


Hutch

 
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