Ouais, je vous vois venir. Même dans
les comics, les clichés ont décidément la dent dure, alors parce qu’il serait
dommage de snober des personnages qui sous leur aspect "cartoonesque"
développait des histoires aussi solides que les super-héros dont ils étaient la
déclinaison animalière, retour sur une création née de l’imagination de Roy
Thomas et dessinée par Scott Shaw dans les années 80, Captain Carrot And His Amazing Zoo Crew! Cette série, dont les
personnages apparurent pour la première fois dans un épisode pilote publié dans
The New Teen Titans#16 avant de
bénéficier quelques mois plus tard de son propre mensuel, allait ainsi
perpétuer une certaine tradition des éditeurs de comics pour les personnages de cartoon
mangés à la sauce des super-héros, apparue dès les années 40 avec Mighty Mouse.
Cette petite souris surpuissante affublé des mêmes couleurs que son modèle
Kryptonien (avant de virer à la tunique jaune et rouge), s’installa dans les
foyers Américains par l’intermédiaire d’un dessin animé (qui fut d’ailleurs
diffusé chez nous vers la fin des 70’s) avant de finir dans les pages d’une
série régulière éditée par Timely Comics.
Profitant de l’engouement du public pour les petites bestioles à costume,
d’autres éditeurs emboîtèrent rapidement le pas à Timely Comics, comme Fawcett
Comics qui livra, avec Hoppy The Marvel Bunny, un décalque léporidé de
Shazam, ou encore Archie Comics qui
offrit à ses lecteurs Super Duck, un canard au coup de crayon quasi-identique
au Donald Duck de chez Disney, et qui devait ses superpouvoirs à l’absorption
de vitamines. De son côté, DC Comics
attendit l’été 44 pour publier dans Funny Stuff
les aventures de The Terrific Whatsit,
une tortue dotée de super-vitesse au look du Flash de la JSA et dessiné par Martin Naydel, qui officiait
également à la même époque sur deux titres de… Flash! Deux ans plus tard, cette
accointance avec le monde des super-héros de cartoon et celui des surhommes de chez DC, allait prendre un virage insoupçonné et anticipatif sur le DCverse et ses mondes alternatifs…
En août 1946, un épisode de la JSA paru dans All Star Comics#30 allait opposer ses
membres à Brain Wave, un super vilain capable de distordre la réalité et de
provoquer des illusions. Dans cet épisode, Flash, dont l’intermède était
dessiné par Martin Naydel himself,
allait se retrouver propulser dans un monde peuplé d’animaux de cartoon similaire à celui crayonné dans Funny Stuff par son auteur,
précédent en quelque sorte d’une quarantaine d’années Terre-C et le premier
épisode de Captain Carrot And His
Amazing Zoo Crew! introduisant Superman. Fortement inspiré par cette
histoire et très imprégné par l’humour de chez MAD, Roy Thomas allait dès lors définir les contours de Captain
Carrot au tout des début des 80’s. Alors qu’il travaillait à l’écriture du
numéro 34 de DC Comics Presents qui
vit la réapparition de Hoppy The Marvel Bunny, Thomas associé à son partner Gerry Conway, planchèrent sur
l’idée d’une version animalière de la
JLA destinée à une parution mensuelle qu’ils intitulèrent Super Squirrel And The Just’ a Lotta Animal.
Si pour d’obscurs raisons le projet fit long feu (on a parlé d’un problème de
droits lié aux personnages originaux de la JLA, notamment pour Superman et Batman), le
pitch, lui, fit son chemin dans les couloirs de la direction de DC pour que Jenette Kahn, l’éditrice
d’alors, propose aux deux hommes de conserver le concept en évitant toutefois
d’y reproduire les héros de la JLA. Regonflés à bloc, Roy Thomas et Gerry Conway
travaillèrent sur une nouvelle mouture de leurs fantasques personnages dont ils
proposèrent la mise en image à leur ami Scott Shaw, transfuge de chez Hanna-Barbera. C’est ainsi, que de la
même manière qu’il existait une Terre-S, Prime ou X, Terre-C (C pour cartoon évidemment) allait accueillir
l’univers créé par les trois compères.
Afin de bénéficier d’une audience certaine, le
premier épisode de Captain Carrot &
His Amazing Zoo Crew! (le point d’exclamation fut rajouté sur l’insistance
de Dick Giordano !) fut donc publié en 1982 dans le numéro 16 de The New Teen Titans, et racontait comment
Superman (dessiné par Ross Andru), à la suite d’étranges événements se
déroulant à Metropolis (ses habitants régressaient subitement à l’état de
primate), se retrouva sur Terre-C après avoir détruit le météorite à l’origine
du mal sur Terre-1 (oui parce que si vous n’êtes pas en terrain connu, Terre-1
est en fait le monde qui abrite les super-héros du Silver-Age). Dans cet univers et cet épisode preview, l’homme d’acier fit donc la connaissance de Roger Rabbit*
et de son alter-ego costumé Captain Carrot, avant de déjouer au côté d’autres
supers-animaux, dans le numéro 1 de la série régulière, une machination
orchestrée par Starro, un vieil ennemi de la JLA. Le Zoo Crew, composé de Captain Carrot,
Rubberduck, Fastback, Alley-Kat-Abra, Yankee Poddle et Pig-Iron, était donc né
et allait, 20 numéros durant, vivre des aventures aussi considératives et
rythmées que celles des personnages du DCverse
"normal ". Bien que Roy Thomas n’apparaisse à l’écriture que sur 11
numéros, la série subira peu les conséquences de son départ d’une part parce
que ce dernier restera toujours très proche de l’équipe créative (Scott Shaw
restant aux commandes) et de l’autre parce que l’intégralité du titre, plus
qu’un pastiche animalier des héros de chez DC
que laisse supposer son pitch et ses images, intégrait avec brio toutes les
composantes du comics de super-héros, en plus de déclarer un évident et
formidable hommage aux films de monstres. S’il y’avait d’ailleurs une poignée
d’épisodes à retenir, on relèvera tout particulièrement celui de The Macabre Menace Of The Mammal Called
Armordillo dans lequel apparaissait une mystérieuse organisation
A.C.R.O.S.T.I.C. (et où le blues de
Pig-Iron faisaient indubitablement penser à celui de La Chose de chez Marvel) ; The Secret of Easter Bunny Island! dans lequel apparaissait
Oklahoma Bones Jr, fils d’un célèbre archéologue qui vous rappellera forcément
quelqu’un; The Bunny From Beyond où
nos héros allaient affronter une puissante menace extra-terrestre ; Time Varmints publié dans le numéro 9 et
inspiré quelque peu par celui paru dans All
Star Comics#30, dans lequel Fastback matérialisé en pleine Seconde Guerre
Mondiale allait rencontrer Whatsit (qui s’avèrera être son… oncle !) ; Crisis On Earth-C et Crisis On Earth-C Minus dans les numéros
14 et 15 dans lesquelles la petite histoire rencontrait la grande, et allait
associer, dans de géniaux épisodes, la création avortée de Roy Thomas et Gerry
Conway, The Just’a Lotta Animals, à Captain Carrot et son Zoo Crew !!! Une JLA
que dessine par ailleurs Roger Rabbit alias Captain Carrot, dans le civil !
Bourré d’action, référentiel mais digeste, efficace, drôle,
il va s’en dire qu’il apparaît urgent de vous jeter rapidement sur les
aventures du Zoo Crew de Roy Thomas et Scott Shaw, Zoo Crew qui fit par ailleurs
une dernière apparition, anecdotique celle-là, en 2007 dans une mini-série de 3
numéros intitulée : Captain Carrot And
the Final Ark! Mais au fait, et la concurrence dans tout ça ? Si chez Eclipse
Comics on publia le premier numéro de The
Destroyer Duck en Mai 82 (soit quelques mois après celui de Captain Carrot And His Amazing Zoo Crew!)
sous la plume conjointe de Steve Gerber et du King, à Marvel, on
attendit plus d’un an pour diffuser, avec panache, les aventures de Peter Porker, The Spectacular Spider-Ham. Mais ceci est une autre histoire…
*Afin d’éviter l’imbroglio juridique avec Disney
suite à la sortie de Qui Veut La Peau De Roger Rabbit ?
et ainsi éviter la suspension du titre, Roger Rabbit fut renommé Rodney Rabbit
dès l’issue#7.